Le jardin d'hiver
À l'époque de Guillaume Dubufe, le décor du jardin d’hiver était extrêmement chargé et étudié à l’instar des autres pièces de la maison. D’après l’inventaire établi à la mort de Guillaume Dubufe en 1909, on y trouvait notamment une fontaine en pierre surmontée d'un amour en marbre, des jardinières en bronze et en faïence, des meubles japonais en laque, deux divans en velours rouge, une vitrine à deux corps, six lustres en bronze, mais aussi dix-huit peintures (des portraits, paysages, natures mortes mais aussi une peinture allégorique pour plafond attribuée à Tiepolo...).
Au fond, le petit salon, qui servait de scène de théâtre les mardis soir, était décoré dans le même goût éclectique mêlant une commode Régence, un vase Satsuma, un buste de Marie-Antoinette en marbre, des dessins de Puvis de Chavannes et des médaillons en cire de Condorcet et Victor Cousin...
Louis Énault décrit l’intérieur de Guillaume et Cécile Dubufe dans la Revue de l’Élégance et des Arts en 1894 : « Un atrium d’un goût sévère vous conduit dans un grand salon, moitié hall et moitié jardin d’hiver, où les fleurs et les verdures se marient aux objets de curiosité, si à la mode aujourd’hui dans les ateliers, et aux objets d’art qui sont ici de premier ordre ».
Serres et jardins d'hiver au XIXe siècle
Au XIXe siècle, l'architecture de fer et de verre prend son essor. L’industrialisation des matériaux entraine des bouleversements dans la construction, permettant l’édification de bâtiments d'un genre nouveau. La vogue des jardins d’hiver se développe, et la bourgeoisie fait installer dans ses résidences secondaires des serres de tous styles architecturaux. Suscitée par le désir de montrer des espèces nouvelles et exotiques rapportées des expéditions lointaines, la mode gagne Paris. Cet engouement pour le jardin d’hiver entraine un goût croissant pour le végétal, qui envahit peu à peu l’appartement. Maupassant décrit les sensations de Bel-Ami lorsque celui-ci entre dans le salon de Charles Forestier : « Il eut de nouveau la sensation de pénétrer dans une serre. De grands palmiers ouvraient leurs feuilles élégantes dans les autres coins de la pièce, montaient jusqu'au plafond, puis s’élargissaient en jets d’eau. Des deux côtés de la cheminée, des caoutchoucs, ronds comme des colonnes, étageaient l’une sur l'autre leurs longues feuilles d’un vert sombre, et sur le piano deux arbustes inconnus, ronds et couverts de fleurs, l’un tout rose et l’autre tout blanc, avaient l’air de plantes factices, invraisemblables, trop belles pour être vraies ».
Le goût pour l’exotisme
Le succès des jardins d’hiver dans les habitations s’explique notamment par l’essor de la bourgeoisie industrielle, et par l’apparition de fantasmes nourris des tropiques et de l’exotisme. Le rotin, l’osier, le raphia s’invitent dans le mobilier, aux côtés des tapis orientaux et des plantes tropicales. Au fil des ans, le jardin d’hiver devient une pièce d’habitation à part entière. Le plus souvent accolé à la maison d’habitation, et prolongeant les salons, c’est un lieu de réception dans lequel on peut lire, jouer aux cartes, admirer les plantes, ou tout simplement converser. Le jardin d’hiver devient l’élément indispensable de toute maison bourgeoise, comme celui de la princesse Mathilde rue de Courcelles ou celui de Gaston Menier, 61 rue Monceau.